Écouter Kali Malone, c'est comme écouter Caterina Barbieri, c'est s'apprêter à faire une prière, une prière longue de laquelle on ne sait pas exactement comment on va en sortir (est-ce qu'on en sortira attaqué par un feu de forêt, ou ravagé par de l'eau sale, ou défiguré par deux, trois seaux d'acide, ou peut-être rien de tout ça, peut-être qu'on en ressortira doux, et moins tragique, et peut-être qu'on en sortira avec tous ces états dans le corps en même temps. Allez savoir.)
Il y a des moments où je me dis : tout est faux.
Souvent, je voudrais qu'on m'aime plus, mais je ne sais pas trop ce que j'entends par là.
Il y a une espèce de terreur chez moi, de terreur fondamentale, non pas tant qu'on ne m'aime pas, mais qu'on ne m'aime pas assez fort.
Cette terreur peut me faire pleurer, mais le plus souvent, elle me plonge simplement dans une colère absolument démentielle, une colère qui recouvre tous les espaces autour de moi, qui les noie avec moi, dans une même mer orange. Je ne distingue plus rien, je ne vois plus que mes mains qui frappent et qui tremblent, mes mains qui veulent juste ça : donner des coups, et ces coups, évidemment, ne sont destinés à personne. Il n'y a personne pour les recevoir, alors c'est comme si je pétais la gueule à l'air autour de moi, à la poussière qui vole, c'est une colère qui fuse sans destination, mais qui doit obligatoirement se planter quelque part. Ça, j'ai fini par le comprendre. Une colère sans objet apparent termine toujours par une matérialisation concrète dans un sujet, vivant ou non-vivant.
Alors quand elle surgit, ma colère finit toujours par me planter moi, à la manière d'une hallebarde grandissante.
Et personne ne s'aperçoit de rien, puisque mon sang ne coule pas et que vous avez tous·tes la gueule orange.
Vous ne pouvez pas dire que ce que j'écris ressemble à de la poésie.
Ce que j'écris ressemble à un monstre qui marche, un monstre qui glisse sa tête entre deux arbres d'une forêt, comme un soleil gras et vaniteux, le soleil d'un automne chaud et pourri. Et ce monstre, donc, pourrait très bien s'appeler Vengeance, et Vengeance est une spirale, mais il est difficile de s'en rendre compte tant que nous sommes aveuglé·es par l'aura qu'iel dégage. Et Vengeance ne connaît pas le maléfice de sa propre aura, iel avance, toujours, à la recherche de nouveaux obstacles, afin de parvenir à ces deux buts simples que sont la destruction et le chagrin.
croyez aux âmes sobres
et aboyez
Le chemin est long, mais il a suffit de quelques mots simples pour que je réalise que c'est bien de s'en foutre. Que c'est un premier élan d'amour vers soi. Et que cet amour, putain, on ne le vole à personne.
Il faut penser à ça. À la façon dont le cœur se fait démolir en une phrase dont l'amour ne t'est pas adressé.
En fait, j'ai besoin de parler.
J'ai un infini besoin de parler, et de déballer tout ce que j'ai accumulé et noyé dans mon ventre.
Je ressens de nouveau un grand plaisir à lire, et ça faisait vraiment très longtemps que je n’avais plus éprouvé ça. Je veux dire que je pouvais, à la marge, apprécier lire tel ou tel livre en particulier, mais ce n’était pas un plaisir envahissant, c’était un plaisir étriqué, restreint, condamné à une petite cellule de joie temporaire.
Là, c’est le feu, de nouveau.
C’est l’envie d’être dévoré, c’est le besoin d’être rongé tous les jours par les lignes, c’est ça, cette sensation là qui me manquait terriblement et avec laquelle je renoue ces derniers jours.
Littérature, petite garce, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Et moi, pendant ce temps, je retourne à mes vampires.
Il y a un gars qui publie un recueil de poèmes, je dirais, quasi tous les ans. Son filon fonctionne, la maison d'éditions sait qu'il va vendre, alors elle publie son recueil annuel. C'est comme une routine, c'est comme aller à la salle trois fois par semaine : il n'y a rien de très surprenant, ni de très formidable, mais c'est une question de mental et de preuve.
Même si au bout du compte, on lève lourd dans le vide.
Alors ne vous étonnez pas que ma solitude ne se répare pas, que ma solitude soit un mur qui ne cesse de monter, avec des meurtrières de partout, et derrière ces meurtrières, il y a mon corps en feu, et il devient gigantesque.
Je ne pourrais jamais soigner ma colère si je ne vous dévoile pas tout ça ; je ne pourrais jamais m'en défaire parce qu'elle est amarrée à moi comme un vieux bateau moisi à son port, et le ciel reste bleu, et nous sommes en automne. Mais je peux au moins l'alléger, je peux au moins la rendre moins étouffante. Et ce n'est même pas qu'elle m'étouffe, en fait, c'est qu'elle m'annihile.
je suis cramé·e à tous les étages et rien ne me rend vraiment heureux
j'ai énormément de choses à régler avec moi-même
Plus on me dit que mes textes sont disloqués, plus j'ai envie de pousser loin leur dislocation.
Je vous dis : nananère, vous n'avez pas le secret de tous les liens que je tisse.
N'empêche, j'ai l'impression de toujours rater alors que je ne crois pas faire toujours moins bien que les autres.
Comment je fais pour communiquer mieux mes efforts ? Pour que mon travail ne soit plus copieusement ignoré par le public et la critique ?
Comment je fais pour devenir quelqu'un de fort ?
Je ne sais pas trop qui portera mon cercueil jusqu'à ma tombe quand je serai mort·e.
C'est marrant (bon, pas trop en vrai), mais ce sont des thèmes qui me travaillent beaucoup en ce moment : la douleur, le deuil, ma mort et celle des autres.
Honda Romance est vraiment un spectacle extraordinaire.
Je ne sais pas quoi vous dire de plus, il y a des choses qu'il faut vivre, des expériences qu'il faut tenter, même s'il arrive qu'elles nous ennuient ou qu'elles nous indiffèrent, parfois, tout simplement, eh, le satellite nous fauche, et le corps sursaute, et tout en nous se lève.je relis des parts de mon recueil vite fait, en diagonale, l’œil qui balaie, et peut-être que c’est nul, peut-être que c’est tout simplement de la merde, c’est pour ça blablablabla maisons d’éditions blablabla non
je sais pas pourquoi je m’obstine à écrire des trucs si, au bout du compte, tout finit par suffoquer dans mes dossiers aux noms improbables sur mon ordinateur
(j’ai vraiment très peur de mourir en vrai)
D’ailleurs je me rends de plus en plus compte que je m’ennuie souvent, que le désœuvrement (téma le mot frère) fait partie intégrante de mon quotidien, que je dois toujours composer avec ce vide, et parfois ce n’est même pas du vide, c’est juste une succession d’activités obligatoires qui ne suscitent chez moi aucune envie, aucune espèce d’enthousiasme.
Si je poussais le bouchon un peu loin, je dirais que les seuls moments de ma vie où je ne m’ennuie pas, c’est quand je suis au théâtre, et même quand je m’ennuie au théâtre, c’est pas trop grave, parce qu’il y a toujours quelque chose à prendre, une sorte de grâce, un instant à garder.
Je ne m’ennuie pas non plus quand j’improvise n’importe quoi au piano ou au synthé.
Je ne m’ennuie pas quand je dors ou quand je regarde Sex education pour la 45 000ème fois.
Je ne m’ennuie pas quand je suis sous la pluie avec [+++++] et qu’on parle du spectacle qu’on vient de voir et qu’on se fait des blagues et qu’on retarde le moment de se séparer.
Je ne m’ennuie pas quand je fais une longueur à la piscine.
Je ne m’ennuie pas quand je marche le soir, en rentrant d’un spectacle que j’ai aimé.
Je ne m’ennuie pas quand j’ai une conversation de turbo-gauchiste avec une nouvelle personne.
Je ne m’ennuie pas quand je joue à un jeu de société qui consiste à empêcher un bandit de s’échapper d’une prison.
En fait, il y a plein de moments dans ma vie pendant lesquels je ne m’ennuie pas. Il faut juste que je me débrouille pour qu’ils deviennent majoritaires.
Est-ce que je suis vraiment la seule personne à buger comme ça ?
Est-ce que je n’ai la force d’aucune réussite ?
Là, j’en viens à ne plus trop savoir s’il faut que j’écrive dans mon journal ou ailleurs, tout est confondu.
Vraiment, en ce moment, c’est trop le bordel dans ma tête.
Et vous savez ce qui me calme ? (Gravity that binds de Caterina Barbieri)
« Un jour, peut-être, le siècle sera deleuzien. »
En attendant, il n'est rien du tout ; si ce n'est brutalement navrant (c'est-à-dire brutalement fasciste).
I met every monster from the bar to Broadway
And all their violent offers, I just turn them down
And your threats and your promises, they don't scare me
After all, nobody more monstrous than me